LUCA

Last Universal Cellular Ancestor

par Patrick Forterre

 Si Darwin a été le 1er à émettre l’hypothèse d’une origine commune à toutes les espèces, nous avons depuis accumulé les preuves la confirmant.

Ainsi, tous les êtres vivants sont composés des mêmes macromolécules (ARN, protéines et ADN), les mécanismes qui permettent l’expression de l’information génétique sont les mêmes, le code génétique est universel et optimisé (1).

La classification actuelle comprenant les bactéries, les eucaryotes et les archées est basée sur la comparaison de la séquence d’un ARN présent dans les ribosomes : l’ARN 16S, dont la fonction est la même chez tous les êtres vivants.

LUCA est à l’origine de ces trois domaines.

 

 La « naissance » de LUCA.  

C’est en 1996, lors d’un colloque en Provence, à la fondation des Treilles, que « naquit » LUCA

Il ne faut pas confondre LUCA avec les 1ères cellules. LUCA est déjà une cellule évoluée, dotée par exemple d’un système lui permettant la synthèse des protéines.

 

Le portrait de LUCA.

1 – Si le 1er génome cellulaire a été séquencé en 1995 (Haemophilus influenza), nous disposons désormais de 400 génomes de bactéries (1 000 en cours !), 40 génomes d’archées.

Seule une soixantaine de protéines sont communes à tous les êtres vivants (dont 34 ribosomiales, des protéines intervenant dans la synthèse de l’ATP, dans l’ancrage des protéines …). LUCA devait donc posséder une membrane.

 

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Bactéries                                                                    Archées

 

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            23

 

 

 


 

33 protéines communes aux archées et aux eucaryotes (et non présentes chez les bactéries).

 

 

                                                    Eucaryotes

2 – Il devait posséder un génome à ARN. En effet la plupart des enzymes impliqués dans les mécanismes de réplication de l’ADN ne présentent que très peu (voire pas) de similarités de séquence chez les bactéries d’une part, chez les archéobactéries et les eucaryotes d’autre part.

L’ADN et les mécanismes de sa réplication sont donc postérieurs à LUCA (ADN et mécanismes inventés plusieurs fois indépendamment !).

3 – Un système de synthèse des protéines.

4 – LUCA était déjà infecté par les virus.

 

Le code génétique a d’abord été porté par l’ARN (2).

Le code génétique, aujourd’hui principalement enfermé dans la double hélice de l’ADN, a d’abord été porté par l’ARN.

L’ARN peut en effet à la fois transmettre l’information génétique et catalyser des réactions chimiques.

En 2000, l’analyse de la structure des ribosomes a montré que les protéines ont été « inventées » par l’ARN. Dans un 2ème temps, les protéines auraient inventé l’ADN.  

Ces ARN-enzymes, qui ont été appelés ribozymes, sont des molécules constituées d’une seule chaîne, capables de se replier dans l’espace et d’adopter, telle une protéine enzyme, une structure globulaire compacte qui fait apparaître un site actif pour la catalyse.

 

L’ADN cellulaire, au contraire, a la forme d’une double hélice assez rigide rendant impossible son utilisation par la cellule en tant que catalyseur.

L’analyse de la structure du ribosome par diffraction aux rayons X révèle que le site d’assemblage des acides aminés au sein du ribosome est entièrement constitué d’ARN. Les protéines du ribosome stabilisent la structure de l’ARN ribosomique.

Ainsi, les 1ères protéines auraient été sélectionnées car elles favorisaient l’activité des ribozymes.

 

On peut distinguer deux âges dans le monde à ARN :

- Le 1er âge, avant l’invention des protéines modernes, était dominé par les ARN-enzymes.

- Le 2ème âge a vu les protéines-enzymes remplacer progressivement les ribozymes et permettre l’apparition de nouvelles activités enzymatiques.

 

 

 

 

 

 

 

L’ARN aurait-il aussi inventé l’ADN ?

Cela parait peu probable. La transformation des précurseurs de l’ARN, les ribonucléotides, en précurseurs de l’ADN, les désoxyribonucléotides est catalysée par des ribonucléotides-réductases, un mécanisme très coûteux en énergie et producteur de radicaux libres.

 

 

Les avantages de l’ADN.

- Il se casse moins facilement. Le ribose de l’ARN contient en effet un atome d’oxygène de plus que le désoxyribose, atome qui peut attaquer la liaison entre les nucléotides (en le retirant, on stabilise donc la molécule, mais on lui ôte son pouvoir catalyseur !).

- La molécule d’ADN peut être réparée lors de la transformation de la cytosine en uracile. Si dans l’ARN, les uraciles introduits de façon erronée ne sont pas distinguables des uraciles corrects, ils apparaissent au contraire comme étrangers dans l’ADN et sont éliminés par les systèmes de réparation.

 

Le 1er organisme à ADN : un virus ?

La modification du génome fournit en effet un avantage sélectif immédiat au virus en lui permettant de résister aux enzymes qui dégradaient l’ARN (exemple actuel de virus résistant aux enzymes de restriction produits par les bactéries attaquées).

L’ADN aurait été inventé par les virus : les enzymes qui ont permis de passer de l’ARN à l’ADN à uracile, puis à l’ADN à thymine seraient apparues chez les virus.

Les trois lignées du vivant seraient apparues par le replacement du génome à ARN de trois cellules par celui à ADN de trois virus différents.

Certains scientifiques pensent également que le noyau eucaryote serait d’origine virale.

 

Quelle est la place des virus dans le monde vivant ?

Virus signifie poison en latin.

80% du génome humain est composé de virus intégrés dans notre génome.

La diversité des virus est phénoménale.

              

Mimivirus (1 200 kb / 1 000 gènes)                                  Bactériophage

 

Les 2 exemples ci-dessus ne correspondent pas en fait à des virus, mais à des virions, la forme de dissémination de l’usine virale intracellulaire.

 

Les virions peuvent voir leur forme se modifier (voir ci-dessous les 2 extrémités qui poussent).

(1) Voir l’article « L’invention du code génétique » par Brian Hayes (Dossier PLS Janvier/Mars 2005).

Résumé : Lorsqu’en 1965, le code génétique fut quasi résolu, il devint apparent que le nombre magique 20 (20 acides aminés) n’était pas du tout magique. Toutes les ruses mathématiques pour obtenir 20 acides aminés à partir de 64 codons n’étaient que des inventions découlant du besoin humain de trouver des motifs, et non un reflet d’un ordre naturel quelconque.

Mais le tableau de codons n’est pas entièrement arbitraire.   

 

(2) Voir l’article « L’origine du génome » par Patrick Forterre (Dossier LR Mai-Juillet 2005).

 

- La redondance rend robuste le code génétique en diminuant la portée des erreurs.

- Lorsqu’une mutation modifie un acide aminé, le nouveau a le plus souvent des propriétés semblables, notamment son comportement vis-à-vis de l’eau (code actuel quasi optimal pour cette propriété). Sur un million de codes testés, un seul est meilleur !!

 

Le code est-il un moteur de vie tellement indispensable qu’il est immuable depuis les tous premiers stades de l’évolution ? Ou le code évolue-t-il constamment vers une plus grande complexité et l’avons-nous découvert à un stade où il ne comprend que 20 acides aminés ?